
Une journaliste qui couvre la guerre à Gaza répond à nos questions
Cela fait maintenant 2 ans que la guerre fait rage entre Israël et le Hamas, dans la bande de Gaza. Marie-Ève Bédard est journaliste pour Radio-Canada. Elle est postée en Israël et couvre la guerre depuis le début. Elle a répondu à nos questions.
Marie-Ève, tu travailles dans une zone de guerre. Est-ce que tu as peur?
Quand on couvre la guerre, on ne se retrouve pas 24 heures sur 24 dans des zones de danger. Ici en Israël, la vie très normale suit son cours depuis longtemps maintenant. Je suis à Tel-Aviv et les gens ici ne sentent pas la guerre qui fait rage à Gaza, qui est à 1 heure de route en voiture.
Sinon, quand je me retrouve dans des zones où les combats sont plus rapprochés, ce n’est pas de la peur que je ressens. Je suis dans un état d’alerte. Mes réflexes sont plus affûtés.

Tu fais des reportages à partir d'Israël, parce que les journalistes étrangers n’ont pas le droit d’entrer à Gaza. Si tu pouvais y aller, tu irais?
Oui. C’est essentiel pour vérifier les informations qu'on nous donne. On peut se demander si la guerre aurait duré aussi longtemps si les journalistes étrangers avaient eu l'autorisation d'entrer à Gaza. Moi, je pense que non.
Est-ce que tout le monde en Israël est pour la guerre?
C'est compliqué. Je pense que les Israéliens soutiennent les opérations de combat, mais trouvent aussi que la guerre a trop duré. Les médias israéliens ne montrent qu’un seul côté de la guerre. On ne voit pas d'images de Gaza, on ne parle pas de la famine. Il y a vraiment un fossé entre la réalité des Gazaouis et celle des Israéliens.
Selon toi, pourquoi c’est encore la guerre après 2 ans?
Israël s’est donné comme but d’anéantir le Hamas. Mais selon beaucoup d'experts, c’est très difficile à faire. Le Hamas, c'est un groupe terroriste, mais c'est aussi une façon de penser à laquelle des gens se rallient. On ne peut pas éliminer les idées par les armes. La guerre ne décourage pas les gens de se joindre au Hamas.
Des spécialistes reprochent aussi au premier ministre d’Israël, Benyamin Netanyahou, de prolonger la guerre parce qu'il a des problèmes politiques. Il est accusé de corruption. Et tant que le pays est en guerre, il n’y aura pas de procès. On l’accuse d'avoir fait échouer les accords de paix pour pouvoir rester au pouvoir.
Dans ton travail, tu vois souffrir des gens sans pouvoir les aider. Est-ce que c’est difficile?
Je sais que leur parler n’enlève pas leur souffrance. Mais je crois qu'il y a quelque chose de beau de pouvoir les écouter et d'essayer d'expliquer leur réalité. Ils se sentent vus et entendus.
Avec tout ce que tu vois, as-tu encore espoir en l'humain?
Je rencontre des gens extraordinaires, à la fois du côté israélien et du côté palestinien, qui souffrent et voient leur quotidien bouleversé. Et malgré tout, ils gardent espoir. Ils croient que la paix est possible, qu’on peut surmonter la douleur et arriver à vivre comme voisins. Moi, ça me permet de garder espoir en l'être humain.
Toi, qu’est-ce qui te donne de l’espoir quand tu es découragé?